CurieuzenAir, la plus importante opération de science citoyenne jamais menée sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, a livré ses résultats. Si de fortes disparités existent entre quartiers, l’étude prouve que la quasi-totalité des Bruxellois vivent ou travaillent dans une zone trop polluée. Plongeons dans les cartes, les analyses et les enseignements de cette étude d’envergure.
CurieuzenAir, késako ?
Du 25 septembre au 23 octobre 2021, quelque 3.000 Bruxellois ont participé à l’opération CurieuzenAir, une vaste enquête citoyenne menée sur la qualité de l’air dans la capitale, à l’initiative de l’Université d’Anvers, le Brusselse Raad voor Leefmilieu et l’Université Libre de Bruxelles, en étroite collaboration avec Bruxelles Environnement, De Standaard, Le Soir et BRUZZ. Ce programme, soutenu par le Brussels Clean Air Partnership de Bloomberg Philanthropies, est inspiré d’opérations similaires qui se sont déroulées à Anvers en 2015 et en Flandre en 2018.
Les citoyens bruxellois ont ainsi mesuré la concentration de dioxyde d’azote (NO2) dans leur rue à l’aide de petits tubes accrochés sur leurs façades.
Disparités entre quartiers
Les chercheurs de l’Université libre de Bruxelles ont comparé les données de CurieuzenAir aux caractéristiques socio-économiques des différents quartiers. "Les trois quartiers où la qualité de l’air est la meilleure de la région sont situés à Uccle et les trois quartiers où la concentration de NO2 est la plus élevée se trouvent dans le centre-ville et près de la Peinte Ceinture", explique Dirk Jacobs, professeur en sociologie à l’ULB.
Selon l’expert, les quartiers à forte densité de population sont souvent moins bien lotis en termes de qualité de l’air. Il ressort par ailleurs de l’étude un lien évident entre les revenus et la qualité de l’air du lieu de vie : plus le quartier est pauvre, plus la qualité de l’air est mauvaise. "Ironiquement, cela signifie également que dans les quartiers où le nombre de voitures par ménage est plus faible, la qualité de l’air est tout de même plus mauvaise en raison de l’impact du trafic à proximité", ajoute-t-il.
Effet corona
Une analyse plus fine des résultats montre que trente-quatre points se trouvent au-dessus de la norme européenne de 40µg/m3 (microgrammes par m3) et que la majorité de ces points se situent sur le territoire de la commune de la Ville de Bruxelles.
Du reste, plus on se rapproche du centre-ville de Bruxelles, plus la pollution au dioxyde d’azote (NO2) est importante. Sans surprise, c’est aux abords de la forêt de Soignes que la qualité de l’air est, au contraire, la moins affectée.
En outre, seuls 1,61 % des Bruxellois (19.641 personnes) vivent ou travaillent en respirant un air satisfaisant à la valeur seuil de l’OMS de 10 µg/m3.
L’analyse menée révèle globalement une amélioration de la situation par rapport à des données antérieures, mais atteste tout de même d’un impact élevé sur la santé, et d’un contraste marqué entre les quartiers verts et aisés, et les quartiers socio-économiquement vulnérables souffrant de l’intensité du trafic.
Cette sensible amélioration en deux ans, et surtout par rapport il y a dix ans, les chercheurs associés à la démarche l’expliquent par un "effet corona", lequel a entraîné du télétravail, mais aussi par le parc automobile de plus en plus propre, l’utilisation accrue de la bicyclette et la LEZ (la zone à basses émissions).
Valeurs marquantes
La plus faible concentration de NO2 (6,2 µg/m3) a été relevée au milieu de la forêt de Soignes, un endroit épargné des émissions du trafic. La plus faible concentration de NO2 dans une zone résidentielle (8,1 µg/m3) a été mesurée sur une façade de la rue Chant d’Oiseaux à Anderlecht. Selon CurieuzenAir, cette valeur indique qu’il existe également des zones résidentielles à Bruxelles où la qualité de l’air est excellente.
La valeur de mesure la plus élevée (60,5 µg/m3) a quant à elle été enregistrée le long du boulevard de Nieuport, mais certains points de mesure le long de la Petite Ceinture dépassent également la limite de 50 µg/m3. Ces valeurs élevées s’expliquent par la combinaison d’un trafic intense et d’une faible circulation de l’air due aux immeubles de grande hauteur.
Pour découvrir la qualité de l’air d’une rue spécifique, rendez-vous sur la carte interactive suivante :
https://www.lesoir.be/cartecurieuzenair